you cannot eat money (arham)

I. tw : mort. Tout commence avec une femme, Imane al-Masri, qui avait fait de bonnes études, mais qui n’arrivait pas à trouver d’emploi. En compagnie de son époux, elle a donc immigré en terre américaine afin de s’installer, de trouver de nouvelles opportunités, d’ultimement, fonder une famille, mais elle comprendra que certaines choses sont écrites d’avance. Elle passait beaucoup de temps à travailler tout comme son mari, mais celui-ci meurt d’une intoxication alimentaire, une mort qui apparait banale, mais qui lui faisait comprendre l’importance de la sécurité alimentaire au sein d’une nation priorisant l’alimentation rapide et la productivité. La jeune femme décide d’investir dans une ferme, dans laquelle elle contrôlerait la qualité des aliments et permettrait à des personnes de travailler pour un bon salaire, sans crainte pour leur santé. Pendant qu’elle travaillait, il lui arrivait d’entendre une musique douce au loin, l’accompagnant dans l’exécution de ses tâches, de manière plutôt fréquente. Elle rencontrera un bel homme qui semble fuir à son contact, probablement peu habitué aux approches, mais qu’elle veut connaitre. Les discussions s’engagent et le dieu de la fertilité, touché par son histoire, lui offre un enfant qui se battra pour la nature et qui fera comprendre à tous pourquoi la rage se retrouve dans le courage.  

II. L’enfant grandit, la mère tente de lui apprendre l’arabe, l’anglais, pour qu’il puisse se débrouiller dans les deux langues, mais un jour, il arrête de parler. Arham et Imane se trouvent devant l’orthophoniste, expliquant qu’il ne peut pas tout avoir, qu’il faut choisir. Connaissant l’héritage divin reposant sur les épaules de son fils, Imane sacrifie l’apprentissage de la langue maternelle sur l'autel de l'humanité pour que son fils puisse parler, rejoindre le plus de personnes possibles, sachant très bien que de toute manière, son cerveau est calibré pour comprendre le grec ancien.

III. tw : mort, nourriture. Le temps passe et même s’il reprend la parole, il n’est pas comme les autres enfants. Il a une alimentation plus saine que la plupart des adultes, il est plus actif, trop actif, et il n’aime pas la viande. Il a décidé, de son propre chef, d’être végétarien, un choix que sa mère a soutenu, même si cela l’a fait sourire. Âgé de six ans, il comprend les failles du monde moderne, souligne les contradictions latentes de ses camarades, dessinant un cochon souriant le matin et dégustant du jambon sur l’heure du midi. Intelligent, il saisit ce que certaines personnes ne saisiront jamais : le choix des mots fait par les industries carnées pour distinguer l’animal de ce qui se trouve dans l’assiette.
Mutton/sheep.
Beef/ox.
Pork/pig.
Doué de fortes convictions alimentaires, il ne prend plus la peine d’en discuter avec les autres, parce qu’il se dit que personne ne comprendra. Même s’il conçoit que chacun fait ses propres choix, il n’est toujours pas capable de consommer de la viande, qu’elle soit blanche, rouge, il ne peut même pas faire cuire un poisson. Il noue un lien trop facilement avec les animaux, en dépit des avertissements de ses camarades. Il ne faut donc pas être étonné si devant les cuisines, le chef cuisinier coupe ses légumes en pleurant. Derrière ses apparences assurées, il n’en demeure pas moins sensible, se demandant qui a le pouvoir de vie ou de mort sur les autres, une question à laquelle il a trouvé vite une réponse lorsqu’il a fait face aux enfants d’Hadès, dont le bungalow a des allures de Manoir Dracula.
 
IV. Même s’il est différent, qu’il ne se sent pas à sa place dans cette école, il trouve du réconfort dans une seule de ses camarades, Lina, qui est venue le voir, qui a tenté de l’aider. Elle aussi a de la difficulté à lire les textes, en plus, elle ne connait pas trop la langue, mais elle est meilleure que lui. Il est habitué à repousser les autres, mais il accepte parce qu’il sent qu’elle est différente. Alors que Lina lui montre comment faire un exercice, il lui demande comment elle peut aimer étudier autant, et elle lui répond qu’elle doit travailler fort pour se faire une place dans la société. Elle lui dit que le plus important, c'est de se battre pour ce qui lui tient à cœur et c’est probablement la plus belle leçon qui lui a été apprise.

V. tw : racisme. Il a découvert son côté divin un peu plus tard que ses camarades, mais cela est expliqué par le fait qu’il est un enfant d’une divinité mineure. Il arrive au camp au début de son adolescence, avec un satyre attitré pour le protéger, apparemment, spécialement choisi par son père, ce qui ne semble pas faire l’unanimité des puissants. Les présentations sont faites par son protecteur. « Arham al-Masri, l’enfant de Pan. » La plupart des campeurs souhaitent la bienvenue au satyre. Indigné, Arham leur crie que c’est lui, l’enfant de Pan, ce à quoi il obtient une réponse selon laquelle il devrait retourner d’où il vient, que le Camp Amon n’est pas ici. Cela annonce la couleur de son séjour et le braque un peu contre les dieux, surtout quand il apprend que ces derniers ont dégagé son père de l’Olympe en raison de sa laideur, sans égard au fait qu’il était agréable à côtoyer.

VI. Il passe quelques années là-bas, plus pour Lina que par réelle volonté d’apprendre ses pouvoirs et même s’il affirme le contraire, il ne regrettera aucunement d’avoir choisi de rester toute l’année parmi les siens. Il la regarde aller, battante, forte, prête à tout pour se faire une place dans le monde divin, et parfois, il a envie de lui dire de cesser de se battre autant, elle a déjà sa place dans son cœur. Lina adore les divinités, au campement, elle était toujours très sérieuse, très motivée, elle comptait y rester toute sa vie, car pour une fois dans sa vie, elle était à sa place. Il ne veut pas la voir risquer de se faire déporter en retournant dans le monde mortel, alors pour elle, il prend sur lui et tente de mettre un peu d’ardeur à l’entraînement, apprenant à apprécier son héritage et à s’estimer chanceux d’être encore en vie.

VII. tw : panique, propos à caractère sexuel. Cela ne l’empêchait pas de faire le pitre, de passer son temps à draguer lourdement les filles qui l’entouraient, prenant, de manière un peu personnelle, le commentaire d’un fils de Zeus qui lui avait dit que peu importe combien de temps il s’entraînerait, il ne serait jamais à leur hauteur parce qu’il était né d’une divinité mineure. Sans perdre de vue les fesses d’une demoiselle, Arham lui avait répondu qu’en attendant, c’était Pan qui les protégeait, qui partait à leur recherche, par le biais de ses créatures et qu’il avait tout autant sa place parmi eux. Sans prévenir, il crie, laissant son camarade en proie à la peur, à la panique. Arham rit. « Mon père est un animal, une divinité mineure, mais en attendant, il veille sur la nature, sur les animaux, sur tous les éléments qui nous entourent. Mon père a beau aimer baiser, mais si tu veux mon avis, je pense que c’est le tien qui nous baise. » Arham est un grand connaisseur des mythologies, ayant passé beaucoup de temps à en apprendre le plus possible sur les dieux, pour pouvoir les comprendre et peut-être, pour être plus légitime parmi le panthéon grec. « Zeus, c’est le dieu de la foudre ou le dieu du foutre ? » Il fuit en riant, passant à deux doigts de se faire électrocuter.

VIII. La colonie des sang-mêlé porte bien son nom.
Un fils de Pan, humain, dont les origines se rattachent à un autre panthéon, ça a bien mêlé tout le monde.
(Cela dit, Pan avait toujours eu son propre sens de l’humour.)
Même les satyres étaient inquiets, lui demandant avec chagrin si ses cornes n’allaient jamais pousser, s’il n’allait pas avoir de sabots, ni même une queue de bouc. À cela, Arham répondait qu’il en avait déjà une bien plus imposante, ce qui lui permettait de faire rire et d’éviter d’affronter les sujets qui fâchent. Les propos à connotation sexuelle distraient ; il peut éviter toute véritable conversation en en utilisant.

Plus tard, il apprendra les raisons pour lesquelles Pan et sa mère se sont rapprochés, les véritables raisons, pas le simple Mektoub qu’elle lui disait, pour clore une discussion qu’il n’était pas prêt à avoir.
Elle lui caresse les cheveux, lui ouvre une porte de son passé, lui déclare que Pan est une divinité qui a été abhorrée par le christianisme, un peu de la même manière qu'elle, qui a mal vécu de se retrouver dans une nation marquée par les croix, mais surtout, où chacun devait porter sa croix. Pan s’était lui aussi senti à l’écart dans l’Olympe, décidant, de ce fait même, de vivre dans la nature, dans le monde des mortels. Le fait qu’il ait donné un enfant à une Égyptienne ne serait pas un hasard, Pan est tout, Pan est un symbole de l’Univers, il a même été confondu avec Osiris, d’où le nom de la ville de Panopolis, en Égypte, littéralement la cité de Pan. Il ne se soucie ni des frontières ni des panthéons esquissés par les dieux, et surtout, il a toujours eu un goût pour les jolies femmes…
« Il a de nombreuses créatures qui lui obéissent, mais tu es son enfant, tu peux faire des choses que même lui ne pourra pas. »
Être ce que Pan aurait été si celui-ci ne s'était jamais retiré du monde.
« Pendant qu’il veille sur les troupeaux, tu veilleras sur les humains. »
Une flûte, un lien sentimental avec la nature, une influence sur les humains.
« Tu as tout ce qu’il faut pour le faire. »

IX. tw : nourriture. Il a fini par quitter le camp pour faire un premier pas dans le monde des humains. Il a ouvert son propre commerce, un peu bar, un peu restaurant, où il servait de la nourriture faite à partir des aliments inutilisables, selon les normes du marché, et des alcools confectionnés par ses soins. Installé à Los Angeles, ce commerce s’appellait le Grrr ! un acronyme voulant dire « Go reduce, reuse, recycle. »
Il y recrutait les personnes dans le besoin, qui ne trouvaient pas d’emploi, permettait aux nouveaux artistes de faire des prestations, pour se constituer un premier auditoire, abritait également les plus vulnérables qui avaient besoin d’un domicile pour la nuit, il avait créé un endroit, un refuge, pour tous ceux qui, de près ou de loin, étaient marginaux. S’il conserve un bon souvenir de ces quelques années, de son temps à cuisiner, gérer les équipes, il n’aime pas la manière dont l’histoire s’est terminé. Simple locataire, il s’est réveillé de ce rêve lorsqu’un investisseur a acheté l’immeuble et par conséquent, son repère, avec l’idée de gentrifier le quartier.

X. tw : panique. L’investisseur est arrivé pendant une pratique, pendant laquelle Arham était sur scène, tenant une guitare basse, ne portant pas attention aux commentaires de son nouveau propriétaire. Le riche parle. Le pauvre augmente le volume de l’ampli. L’humain lui parle de billets. L’animal demande de rester dans son élément.
« Don’t hate the players, hate the game. »
Paroles murmurées qu’Arham comprend.

Ricanant, il pose sa guitare sur le support et saute, atterrissant sur le sol sans faire un bruit, un peu comme un bouc, un peu comme une chèvre, un peu comme un dieu, certainement pas comme un humain. Non, il n’a pas hérité du corps animal de son père, il a simplement hérité de ses pensées, de ses convictions, de ses dérives, de ses facultés à intimider. Arham se relève, fait un pas. Hochant la tête, il commence à taper du pied, pour marquer le rythme, encourageant ses compagnons de scène à suivre la cadence, tout le monde connait la chanson, mais elle sonne différemment, chantée par Arham. L’aura change instantanément.
« I'm gonna fight 'em all. »
Il n’a besoin que d’un peu de musique.
« A seven nation army couldn't hold me back. »
Les nations, les panthéons ne pourront jamais venir à bout de lui, il ne fait pas partie de leur jeu, il en a changé les règles. L’homme fuit, paniqué, faisant tomber des plateaux, des verres au passage. L’utilisation de ce pouvoir ne lui créera pas plus de problèmes, le délit est mineur, même si Arham sera conscient qu’il devra mettre la clé sous la porte et surtout, se tenir à carreau.

XI. S’il n’a pas la langue dans sa poche, qu’il dit ce qu’il pense, il a tout de même un sens de l’écoute remarquable. Il prend le temps d’aller vers les autres demi-dieux et de chercher à les connaitre, il pense que c’est important que le monde soit uni pour faire face au futur. Il ne passe pas beaucoup de temps sur son téléphone, il dit que ce sont des inventions humaines, obsolètes, dans leur monde, ils n’en ont pas besoin, la preuve, ils peuvent communiquer entre eux dans le château. Il privilégie les connections à la connexion, préfère voir le monde sous la lentille la plus importance, celle de son regard. Il aime les aventures et il a toujours un plan idiot en tête. Il aime dire que les bêtises d’aujourd’hui seront les meilleures souvenirs de demain. Il est de ces jeunesses qui invoquent comme seule défense qu’ils ont été laissé sans surveillance, de ceux qui demandent un conseil avant de dire que le fait est déjà accompli. Il adore la nature, la planche à roulette et comme il aime si bien le dire, il connait deux types de pelle.  

XII. tw : racisme. Il dit qu’il n’aime pas les humains, mais il est souvent repris par son entourage, ce n'est pas qu'il n'aime pas les humains (qu’en savent-ils ?), c'est surtout qu'il n’aime pas leurs actions. Arham est loin d’être individualiste, il rêve d’un monde où les gens se soucieront les uns des autres, où ils ne s’arrêteront pas au nom, à la couleur de la peau. Il a subi de nombreuses micro-agressions en raison de son nom, de la couleur de sa peau, trop blanche pour certains, trop brune pour d’autres, de la divinité qui lui a donné la vie, de sa légitimité au sein de son propre panthéon.
« Si je ne suis jamais allé en Égypte, que je ne descends pas d’une divinité de ce panthéon et que je ne parle pas arabe, est-ce que j’ai le droit de dire que je suis Égyptien? »
Sa mère passe sa main dans ses boucles brunes.
« Ce n’est pas la question que tu dois te poser. »
Son mouvement s'arrête.
« La question que tu dois te poser, c’est est-ce que quelqu’un a le droit de te dire que tu n’es pas Égyptien ?»  
Pour la première fois, il se met à pleurer.

XIII. Même s'il n'aime pas les humains, il manifeste contre les changements climatiques, il rejoint les mouvements de justice sociale, aimant se dire qu’il rejoint les guerriers des temps modernes. Doué d’empathie, il comprend l’impact de l’Homme sur la nature, au plus profondément de lui, il les ressent. Il ne veut pas utiliser son pouvoir pour raisonner l’Humain, il veut voir si les gens sont capables de se mobiliser, sans l’influence de la peur, sans avoir besoin d’être raisonnés, intérieurement, il veut qu’on lui prouve qu’il a tort et que les Humains sont capables de prendre soin les uns des autres.

XIV tw : propos à caractère sexuel. Il est au courant de tout, des actualités, des amourettes, des repas du soir, de la couleur des sous-vêtements de certaines de ses dames. Il adore suivre les histoires d’amour, que ce soit au campement, au restaurant, dans sa vie quotidienne, il se fait un plaisir de s’associer aux enfants de l’amour pour créer des couples qui dureront pour la vie. Son dévouement n’a d’égal que sa propension à stalker, ce qui lui vaut les questionnements des plantes alentours, se demandant ce qu’il fait caché dans les buissons, pleurant devant la déclaration d’amour de la fille de Poséidon, avant de persifler et de demander à la rose s’il avait le droit de dire que la fille de Poséidon mouillait, blague salace réprimée par une épine bien placée.

XV.  Il craint la mort. Pour l’avoir vécue un millier de fois au travers des plantes, des animaux, il en connait la douleur. Pour cette raison, il a tendance à être protecteur, particulièrement des siens, et à se mettre de l’avant pour éviter que les gens qu’il aime ne soit blessés. Il aime la vie et c'est la raison pour laquelle il ne cache pas le fait qu'il aime les relations sexuelles, tant qu'elles sont consentantes et faites dans le respect. Le sexe est relié à la vie et pour être honnête : Arham n’a pas de plus belle aspiration que celle de faire l’amour, au sens figuré comme au sens propre.

XVI. Le grand Pan est mort ! disait les religieux, mais Pan existe encore dans le monde moderne.
Être pan, c'est aimer sans se soucier du sexe, aimer sans se soucier du genre.