(( T h e r e s a ))

- Where are you sisters?
- Right here, come!

Le palais était si grand qu’il nous arrivait régulièrement de nous y perdre. Ou plutôt, de nous y cacher pour ensuite mieux nous retrouver. Certes, ce jeu était enfantin, mais il n’en était pas moins drôle et nous aidait à passer le temps. J’attrapai la main de Parthénope, la cadette, un large sourire aux lèvres alors qu’elle tenait déjà la main de Molpé, notre ainé. Toutes les trois inséparables, nous veillions ici à servir notre maîtresse à toutes les trois, la magnifique Perséphone. Loin de nous douter cependant qu’aujourd’hui serait le dernier jour où nous aurions la chance de nous considérer comme ses servantes…

- Where is she? Where is my daughter!?

Nulle part. Peu importe où nous regardions, la déesse demeurait introuvable. Déméter nous regardait comme si nous avions nous-mêmes ouvert la porte à quiconque venait de disparaitre avec sa fille bien aimée. Le cœur battant la chamade et les mains moites, je regardai mes sœurs du coin de l’œil, n’osant plus regarder que les pieds de la déesse courroucée qui nous faisait face. Nous blâmait-elle pour la disparition soudaine de Perséphone? Je n’eus jamais la force et l’audace de lui poser la question.

- You will help me find her and if it takes eternity then so be it. As of today, may you all go with those wings and bring my daughter home!

Une sensation de brûlure intense me fit tomber sur les genoux, l'impression même que mon dos s'embrasait alors que mes omoplates se transformaient et laissaient place à une paire d'aile immense. Un cri perçant raisonna dans mes oreilles et je mie un certain moment à comprendre qu'il venait de moi. Les larmes coulaient sur mes joues alors que la transformation continuait de s'opérer, s'attaquant désormais à mes jambes qui ne ressemblaient plus aux miennes, mais bien à celles d'un très grand oiseau.

Déchiré et confuse, j’ouvris les yeux pour découvrir la pièce sombre, les sanglots de mes sœurs emplissant l’espace désormais vide de présence à l’exception de la nôtre. Doucement, je tentai de me remettre sur mes pieds, me remémorant soudain que je n’avais plus que trois orteils et de longues griffes. J’avalai de travers et pris sur moi, me redressant enfin et secouant mes ailes.

- Don’t cry sisters for this is not a curse but rather a blessing. With those wings, we can fly anywhere and travel fast. Come. Take my hand and together, let’s find her and bring her home.


Après des années à chercher leur maîtresse sans succès, c'est sur les îles fleurissantes d'Anthemoessa qu'elle et ses soeurs s'installèrent et où elles devinrent cannibales, se nourrissant de la chair des marins, récemment mort, tué lorsque leur bateau rencontrait le récif plus bas. Pour les attirer vers elles, les trois sirènes chantaient d'une voix à la fois douce et triste, manipulant l'esprit des marins. Elles passèrent encore plusieurs centaines d'années là avant d'être à nouveau béni de leur forme humaine dont elles profitèrent pour quitter l'île et voyager. Si elles ne vieillissent physiquement pas, c'est dû à leur ADN en continuel changement.  Lorsque Kvalir a vu le jour en tant que prison, elles ont vu là une opportunité d'offrir leurs services pour la garde, utilisant leurs pouvoirs à bon escient. Elles possèdent d'ailleurs désormais le don de changer de forme comme elles le veulent, une transformation qui n'est pas sans douleur cependant. Ses soeurs sont tout pour elle, ses meilleures amies, ses confidentes, sa famille. Bien qu'elle ait changé de régime après avoir quitté les îles, il lui arrive encore (rarement) de succomber à ses vieilles pulsions et de consommer de la chair humaine.